Corbillard en goguette

Publié le par Julie Wasselin

Corbillard en goguette


         Ce n’est pas donné à tout le monde d’aller se promener en corbillard allongé à la place du mort, avec, en guise de cortège, une bande de joyeux « tape-la-gouille » qui jouent à la courte paille lequel d’entre eux se dévouera pour croquer un orteil à l’intéressé afin de s’assurer qu’il est bien passé de vie à trépas.
         Nous sommes une douzaine de lurons à jouer en riant à ce jeu un tantinet macabre sur les chemins de Bourgogne, passant chacun à notre tour à la place du défunt, mais aussi aux guides de ce vénérable véhicule hippomobile tiré par un imperturbable Comtois.
         À pied dans le cortège, nous batifolons, encourageons le cheval et cueillons des fleurs sur les talus en riant.
         Fleurs sur les chapeaux, fleurs sur le harnais, fleurs sur le macchabée…
         Nous sommes la dernière promotion venue au haras de Cluny apprendre les rudiments de l’attelage sur le « squelette », avec les Percherons.
         Il n’y en aura pas d’autre, hélas, et notre groupe s’est replié dans une ferme pour tenter de continuer l’aventure.
         Le seul véhicule dont nous disposons pour commencer est cet antique corbillard auquel nous redonnons la vie, s’il est possible de s’exprimer ainsi, deux Comtois que l’on nous a prêtés et qui se relaient dans les brancards, et, bien sûr, leurs harnais. Les chevaux sont braves, ils ont l’habitude de travailler en ville, à Noël, notamment, et tolèrent nos fautes de menage avec bonhomie.

 

         Nous serons tous assez mordus pour persister dans l’attelage. Pas tous dans la même voie ni avec le même bonheur, mais fidèles à notre passion.
         Nous ferons mentir le proverbe arabe qui veut que tout homme qui a un cheval en main ait aussi un pied dans la tombe, en revenant à chaque fois aux écuries sans encombre et sans être passés par le cimetière !
         Nous aurons alors une pensée malicieuse pour les obsèques du peintre Henri de Toulouse-Lautrec qui se rendit à sa dernière demeure en courant, puisque son père, le comte, plus original encore que lui, à ce que l’on en dit, s’empara des guides du corbillard et l’y conduisit à tombeau ouvert et au triple galop.
         Yee-Ha !

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