Regrets

Publié le par Julie Wasselin

Histoire de lunettes…

Histoire de lunettes…

« Regrets »

     - Ce printemps-là, Jeanne me fit une infidélité… mais je suis sûre qu’elle ne l’aurait pas faite si elle avait pu m’emmener avec elle au Maroc.

     Partie d’Agadir en compagnie de quelques autres cavaliers, elle traversa la plaine du Souss en direction de Taroudaant, en selle sur un cheval Barbe[1] qu’elle avait loué pour l’occasion.

      Dans un flamboiement de jacarandas mêlant leurs bleus inoubliables aux ocres sans âge[2] de ses hautes murailles de terre, la cité berbère, somnole aux pieds du haut-Atlas, ouvrant des portes aux noms qui font rêver, Bab Al-Kasbah, Bab El Khemis, Bab Oulad Bounouna, Bab Targhount et Bab Zorgan sur un monde dont les apparences semblent immuables.

      Au pied des remparts les cavaliers furent assaillis par la horde habituelle de gamins mendiant quelques pièces qui leur furent données de bon cœur ; c’est alors qu’un adolescent, dans un français sans accent, l’interpella en lui disant : - Tu sais qu’avec le prix de tes lunettes, je pourrais vivre un mois, ici ?

     Sans attendre de réponse, il avait passé son chemin.

     Jeanne arborait de très belles, très sophistiquées, très à la mode et très coûteuses montures « aviateur » d’une marque réputée, une petite folie… un snobisme, sans doute, mais aussi des verres polarisés particulièrement protecteurs qui n’étaient pas superflus pour affronter la réverbération du soleil sur les sables.

     Interdite, elle n’avait rien trouvé à répondre… pourtant le jeune homme n’avait pas été agressif.

     Un cependant geste aurait suffi.

     Elle qui avait su ce que c’était que d’être fauchée, pensa qu’elle aurait dû les lui donner.

     On eut beau sourire de son aventure et lui expliquer que la tentative du gamin était un classique du genre, elle regrette encore de ne pas l’avoir pas fait.

§§§


[1] Race de cheval de selle originaire du Maghreb. Il est mentionné dès l’Empire romain, puis comme monture de dressage classique renommée dans diverses cours royales à partir du XIVe siècle. Doux, équilibré, sociable, sa docilité est remarquable. Ce cheval du désert est rustique, très endurant et courageux.

[2] Elles datent du XVIe siècle.

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