Le grelot
Il dindreline allègrement.
Sa ritournelle cadencée n’obéit qu’au pas, au trot, au galop, au galop, au galop… puis elle s’agite encore à l’arrêt lorsque les chevaux s’ébrouent.
Il grelle, il grill, il groll, il grüll suivant ses origines, le grelot… il est joyeux, il rouspète, il se fâche… puis, comme un pigeon amoureux, il groulle et vous assoupit lorsque la diligence va lento après les côtes, quand les chevaux ont peiné.
Je l’ai trouvé dans le grenier.
Le temps lui a dérobé ses couleurs ; il est devenu noir comme un charbonnier, mais il n’est pas fêlé.
C’est un énorme grelot en bronze décoré d’un cheval marin, un de ces grelots comme on en accrochait à l’extrémité des timons. De sa voix de basse rocaille, il accompagnait le tintement fringant des grelottières, il prévenait les relais de son arrivée prochaine tandis que le cor du postillon, suivant sa sonnerie, racontait qu’il y avait à bord de riches commerçants qu’il faudrait bien soigner et plumer un peu… ou bien quelques voyageurs pingres ou fauchés dont il n’y aurait rien à attendre et qu’il ne serait pas nécessaire de dorloter.
Je l’ai accroché à une poutre au dessus d’un canapé où j’aime à fermer l’œil quand j’ai trop bien déjeuné. De là, je ne vois que sa fente rigolarde où sommeille la balle de fer qui le faisait résonner.
Elle dort et je m’endors aussi.