Le fada

Publié le par Julie Wasselin

Le fada

 

Ce club, vous n’y venez pas souvent, juste pour travailler vos reprises, chose que, n’ayant pas de carrière, vous ne pouvez pas faire chez vous.
 

Vous n’avez encore jamais eu affaire au fada.
Il vient traîner au club de temps en temps.
Maigre comme un chat famélique, il n’a plus d’âge. 
Sa tignasse grise est graisseuse ; il est affreusement sale et vêtu à l’emporte-pièce.
Il tourne en rond, il attend son heure.

 

Ce jour-là, c’est pour vous, il vous a repérée !
Ses yeux brillent d’une lumière noire voilée par la visière d’une casquette de baseball qui a connu des jours meilleurs.
La voix est charmante… vous vous y laissez prendre, puis comme vous avez reçu une bonne éducation, le cheval à la main, vous l’écoutez poliment.
Il se lance alors dans un discours qui n’a rien à voir avec les chevaux. Il vous explique qu’il lit beaucoup et qu’il aime à rédiger des résumés où il ajoute tout ce que l’auteur n’a pas eu le courage de dire !
Lui, ça ne lui fait pas peur. Ah mais non !
- Ah bon ?
Comme il n’a pas d’ordinateur, après chaque livre lu, sur sa vieille photocopieuse, il imprime une centaine de pages de sa prose, les met sous enveloppe et les balance ensuite dans les boîtes à lettres du canton.
Il vous raconte alors qu’il est très déçu parce que personne ne lui répond…
- Mais vous mettez votre nom, votre adresse ?
- Ah ben non… c’est pas la peine puisque tout le monde me connaît…
- Ils savent que vous écrivez ?
- Ben oui, forcément !
- Vous leur avez déjà dit ?
- Y’en a, oui…
- Et vous signez ?
- Oui, je mets mon pseudo !
- Ah bien… et c’est quoi ?
- « Le Détective », répond-il en se redressant.
- Hum… mais ça serait bien de mettre votre adresse, non ?
- Mais c’est pas la peine que je vous dis !
- Oui, je comprends… bien sûr c’est dommage !
Et là, il vous lâche enfin.

 

Pendant que vous rembarquez votre cheval, il se dirige à pas lents vers le mur du manège, à l’endroit où les cavaliers ont pour habitude de panser les chevaux.
S’arrêtant derrière la croupe de l’un d’eux, avec une virtuosité qui n’a d’égale que sa rapidité, il se saisit d’une mèche de crins de part et d’autre de la naissance de la queue, et, avec une force phénoménale, les arrache sauvagement, puis il file ventre à terre en ricanant !
Au club, tout le monde sait ce qu’il va faire quand il s’approche des chevaux… mais il est si prompt qu’on n’a jamais le temps de l’en empêcher.
Vous venez de faire la connaissance du fada…

 

            Ce qui est incroyable, c’est que jamais encore, aucun cheval ne l’a aligné.
 

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