Perspectives…

Publié le par Julie Wasselin

Photo Match

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Quand mon cheval aborda ces années où les forces déclinent, après un petit canter[1]matinal sous les ombrages d’une allée morvandelle, victime de l’état de ses coronaires, il fit une crise d’angor[2].

Comme ça se produit avec un vieux moteur mal huilé, le piston faillit coincer dans le cylindre… en hypoxie, son cœur « serra ».
Jusqu’à la fin de « notre » vie commune, quelques années plus tard, il ne fut plus question que de balades rênes longues qui me permirent de tomber en amour des avoines ondoyantes au printemps, des labours bleutés en automne, et des forêts, l’hiver, quand elles sont rousses, blanches et noires et que le sol est craquant.
Jadis, ce « pur » avait gagné des fortunes en steeple-chase, et, s’il s’était remis de ces claquages[3] qui distinguent les chevaux généreux,  ça n’avait pas arrangé son cœur. 
J’avais eu, j’eus d’autres chevaux.
Je les ai tous accompagnés jusqu’à ce que l’existence ne soit plus tolérable pour eux, « jusqu’au bout »… même si je n’en avais pas les moyens.
On ne peut pas les sauver tous, mais je suis fière d’en avoir sauvé quelques uns.
Pourtant…
Pourtant, quand ils atteignent le troisième âge, ces chevaux qui ont donné tant de bonheur, ce que l’on vient vous en dire, ne l’est pas… tolérable ! 
Elles ne se sont pas améliorées, les perspectives d’avenir pour les retraités, ces temps-ci, puisque qu’on voudrait nous faire accroire qu’il n’y a plus de place pour nos vieux chevaux.
On m’a regardée avec consternation :
- Mets le à l’abattoir… mais si tu as du fric à perdre, c’est ton problème ! Tu t’emmerdes la vie… tu ferais mieux de t’en débarrasser et d’en prendre un autre. Tu peux en tirer dans les 500 euros, tu sais… ça te paierait un bout du suivant. Arrête le traitement du véto assez longtemps pour qu’il soit comestible, et comme il est pucé[4], « ils » te le prendront sans discuter ; ils ne sont pas toujours regardants, c’est facile. En France, comme il ne s'en produit pas assez, on est obligé d’en importer ; ça devient un débouché pour les fermiers. Quelques poulinières de trait et hop, ça met du beurre dans les épinards ; en plus ça sauve nos races de lourds[5]… on peut même en acheter en vente directe, de la pouliche ou du poulain : il y a des caissettes toutes prêtes à la ferme à présent, c’est pratique, puis c’est une bonne viande.

Vous avez le droit de vous étrangler.
En France on ne vous propose pas encore de manger votre chien, ou votre enfant.
Il fait partie de la famille, ce cheval, pourtant !
Il ne faut désespérer de rien.
Peut-être qu’un jour sera fixé un âge limite pour les chevaux… et pour nous ?

                                                                    §§§

 

[1] Galop tranquille en extérieur.

[2] Angine de poitrine. Serrer, en latin.

[3] Déchirures tendineuses  au niveau des jambes. Les chevaux qui « donnent tout », vont « jusque là », ils ne s’économisent pas.

[4] Puce électronique implantée dans l’encolure. Elle permet d’identifier les chevaux.

[5] Les chevaux de traits. La France possède les plus belles races. Depuis les années 50, elles sont en voie de disparition. La motorisation les aura tuées.

Le samedi 25 août, de 15 à 18 heures, Julie Wasselin dédicacera les ouvrages qu'elle a dédiés aux chevaux au Village du livre :

Cuisery en Saône et Loire.  "Espace-livres Harmattan" 45 Grande rue 71290 Cuisery.

Les poneys du centre équestre de La Doua seront là également pour promener les enfants qui le voudront.

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