Fantasme

Publié le par Julie Wasselin

" Herrenchiemsee "… la galerie des glaces de Louis II de Bavière

" Herrenchiemsee "… la galerie des glaces de Louis II de Bavière

 

Je crains la foule, ses dérives imprévisibles et ses frémissements inquiets.
Je crois que la solitude, quand on en fait le choix, est, avec le silence et l’espace, l’un des derniers luxes dont nous puissions rêver.
Un de mes fantasmes a toujours été de me promener librement au travers de Versailles… seule.
Arriver à cheval jusqu’au château ensommeillé.
À pas comptés, affronter le soleil avant qu’il ne soit plus possible de le fixer.
D’un lourd anneau rendre le cheval prisonnier et me glisser à pas feutrés au travers des ors et des marbres.
Me faufiler à l’entrée de la galerie… seule !
Me fondre dans le miroitement des cristaux, à la lueur agonisante des candélabres, dans le parfum capiteux des bougies. Lumières obscures dans le reflet des glaces complaisantes au tain noirci, usé, désabusé.
- Miroir, mon beau miroir, toi qui as vu se dissiper splendeurs et vanités, que me diras-tu aujourd’hui ?
Délire ?
Non.
J’ai eu le bonheur, un été en Bavière, d’être invitée, sous un ciel d’encre mêlé de nuées laiteuses, à traverser les eaux d’argent du Chiemsee. La chance de me fondre  dans les pensées de Ludwig, le solitaire, le silencieux, le tourmenté, le deuxième du nom.
Seule, au lever du jour, j’ai foulé un sol gravé par les chevaux qui travaillent ici à promener les visiteurs.
Au cœur de la futaie, j’ai imaginé le jeune roi, excellent cavalier s’il en fut, monter Cosa-Rara, sa grise bien aimée, sa « schelmische Stute », Viridiana peut être, à moins encore que ce ne soit Wolupsa… ?
Dans le chant des fontaines, à la lisière des bois, comme un mirage, soudain, j’ai vu surgir Versailles… « l’autre Versailles », la copie.
Hallucination ? ?
Non.
En première ligne des touristes qui montaient à l’assaut du palais, j’ai gravi les degrés de marbres roux et me suis retrouvée, seule, dans la chambre du roi… seule, dans son cabinet de travail aux horloges savantes, sophistiquées, et vu s’ouvrir enfin devant moi, la féerique, l’extraordinaire, l’incomparable galerie.
Avec une indicible jubilation, je m’y suis retrouvée seule, comme certainement Ludwig s’y trouva lui-même, sauvage et fuyant… la seule, l'unique nuit qu’il passa ici.
Éphémère et tellement inespéré, impensable, cet instant où ce Versailles-là
n’exista que pour moi.
Alors, comme un cheval s’élève dans le passage et danse, sur les parquets de la galerie, j’ai esquissé quelques foulées de menuet.

Bientôt Noël. Peut-être aurez-vous envie de relire ou d'offrir  les récits de Julie ?

Bientôt Noël. Peut-être aurez-vous envie de relire ou d'offrir les récits de Julie ?

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