La mesure

Publié le par Julie Wasselin

C'est bien d'elle qu'il s'agit… mais il n'y a plus de chevaux.

C'est bien d'elle qu'il s'agit… mais il n'y a plus de chevaux.

 

Flanc de peuplier éraflé, couronne de laiton terni, bosselée, la mesure est échouée sur un étal de vide-greniers, à même le sol, de guingois entre des cadenas à oreilles, une paire de tricoises, une varlope, un limonadier et quelques assiettes ébréchées.
Elle espère retourner à l’ouvrage si par chance le regard d’un cavalier se pose sur elle.
Elle redoute de finir ses jours, vernie, sur un bureau, et la gueule emplie de crayons.
Elle a faim…  et la nostalgie des milliers de grains tassés dans sa panse et versés en pluie dans la gamelle des chevaux.
Elle se souvient de mains avares qui ne la remplissaient pas tout entière… qui parfois laissaient passer l’heure… puis qui, d’un geste désinvolte, balayaient la lueur de la réserve d’un :
- Pff… peuvent bien sauter un tour.
D’autres aussi, qui cueillaient le grain largement et plus qu’elle n’en pouvait tenir, cachant un dôme d’amour, de rab, de superflu, dans la paume de leurs mains :
- Tenez, mangez les petits, régalez-vous…
Alors elle se remémore avec tendresse l’avoine sensuelle, glissante, le son, léger comme un frisson et la farine d’orge, pulvérulente, qui la laissait asphyxiée et blême comme un boulanger au petit matin.
Quand une vieille dame, charmante, au demeurant, s’avise que ce truc pas cher remplacerait avantageusement le cache-pot qu’elle vient de briser, la mesure sent alors démesurément ses forces la quitter.

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C
" Objets inanimés, avez-vous donc une âme." écrivait LAMARTINE!<br /> Oui, on pourrait le croire!!!!
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J
Bien sûr, c'est pour ça qu'on les aime, même s'ils n'ont aucune valeur…<br /> Bises Julie